L’industrie minière vit une nouvelle phase de transformation profonde avec l’émergence d’une troisième génération de mines, intelligentes et connectées. Cette révolution numérique, déjà amorcée à l’échelle mondiale, promet des gains importants en productivité, sécurité et durabilité. Toutefois, elle soulève aussi des défis majeurs, notamment en matière d’inclusion sociale, de formation, et de gouvernance. À travers des exemples concrets et un éclairage sur le cas de la mine de Syama au Mali, cet article explore les opportunités et les risques de cette mutation pour l’Afrique, et appelle à une anticipation collective pour en faire un levier de développement durable.

Introduction

Face à l’accélération technologique et aux nouvelles attentes sociétales, l’industrie minière entre dans une troisième phase de transformation. Après l’émergence des mines industrielles puis leur mécanisation, une nouvelle génération de mines intelligentes et connectées prend forme. Cette mutation, porteuse de promesses en termes de productivité et de durabilité, soulève également des défis importants, notamment humains et organisationnels.

1. Des Mines Artisanales aux Mines Digitales : Trois Générations en Évolution

La première génération des mines industrielles, par opposition aux mines artisanales, a vu l’émergence d’activités minières structurées, encadrées par des normes telles que le JORC, NI 43-101 ou encore le SAMREC.

La deuxième génération s’est caractérisée par l’intégration progressive des outils informatiques, améliorant la modélisation géologique, la planification des opérations et la mécanisation des sites.

Aujourd’hui, une troisième génération émerge, fondée sur la numérisation, la connectivité et l’intelligence artificielle. Capteurs, analyse de données en temps réel, cloud, réalité virtuelle, jumeaux numériques et machines autonomes transforment progressivement les modes de production.

2. Une Révolution Numérique en Marche dans l’Industrie Minière

La transformation digitale de l’industrie minière est désormais une réalité tangible, portée par des avancées technologiques majeures et des initiatives pionnières. Si toutes les entreprises n’évoluent pas au même rythme, les acteurs les plus avancés démontrent que la transition vers une mine connectée et autonome est non seulement possible, mais déjà engagée.

Le rapport “Tracking the Trends 2019” de Deloitte soulignait que les nouvelles technologies — intelligence artificielle, automatisation, big data — allaient jouer un rôle central dans la maîtrise des risques, la performance opérationnelle et la résilience environnementale du secteur. L’intégration de ces technologies n’est plus perçue comme un avantage concurrentiel marginal, mais comme un facteur structurant de compétitivité à long terme.

Parmi les initiatives emblématiques avant 2019 :

  • Rio Tinto a lancé dès 2008 le programme “Mine of the Future”, avec notamment l’opération de trains autonomes (AutoHaul) dans les mines de fer de Pilbara (Australie) — un projet pleinement opérationnel dès 2018.
  • Anglo American, avec sa stratégie “FutureSmart Mining” initiée en 2016, a déployé des plateformes d’analyse prédictive et des jumeaux numériques dans ses unités de traitement pour optimiser consommation d’eau, d’énergie et productivité.
  • En Europe, des entreprises comme Boliden (Suède) ont développé, en partenariat avec Ericsson et ABB, la première mine connectée en 5G à Kankberg, permettant une automatisation avancée et des opérations à distance dès 2018.
  • En Pologne, KGHM a mis en œuvre un plan de modernisation numérique (Smart Mining) avec intégration de capteurs IoT, modélisation 3D et systèmes de gestion intégrée des risques géotechniques.
  • LKAB, opérateur suédois, a dès 2013 lancé le programme SUM (Sustainable Underground Mining), qui rassemble des universités, des équipementiers et le gouvernement suédois, avec pour objectif de créer d’ici 2030 une mine entièrement automatisée et neutre en carbone.

Ces exemples montrent que la révolution digitale dans le secteur minier n’est plus une promesse lointaine, mais un chantier actif dans plusieurs régions du monde. Toutefois, cette dynamique reste inégalement répartie, et sa généralisation dépendra de la capacité des acteurs à adapter les technologies aux contextes locaux, à former les compétences nécessaires, et à concilier innovation et acceptabilité sociale.

3. Une Opportunité pour l’Afrique ? Le Cas de la Mine de Syama au Mali

La mine de Syama au Mali, opérée par Resolute Mining, est l’une des premières à avoir mis en œuvre un modèle fortement automatisé. Depuis 2009, cette mine d’or combine technologies d’exploitation, de transport et de traitement, avec pour objectif principal la réduction des coûts de production et l’amélioration des conditions de sécurité.

Cependant, si la performance opérationnelle de la mine de Syama s’améliore – avec une disponibilité améliorée, des équipements automatisés et des coûts réduits – les bénéfices environnementaux et sociaux restent limités. Les technologies adoptées ne concernent pas la découverte de nouvelles ressources ni une meilleure gestion environnementale, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’eau et de l’énergie. Sur le plan social, la mine n’améliore pas les méthodes et les outils du dialogue communautaire. De même, l’intégration des populations locales aux nouvelles compétences liées à la numérisation n’est pas documentée. Cette situation illustre l’écart potentiel entre performance technologique et création de valeur sociétale.

Ainsi, la transformation digitale n’est pas sans risques : exclusion sociale, obsolescence des compétences, fractures territoriales. Mais bien conduite, elle est source d’opportunités majeures pour l’Afrique.

Conclusion : Anticiper pour Agir

La troisième génération des mines industrielles n’est pas un luxe, mais une nécessité. Elle suppose une refonte des compétences, une gouvernance adaptée de l’innovation et une intégration progressive des technologies. Les acteurs miniers publics et privés sont invités à préparer l’avenir, non pas en réaction mais en anticipation.

Par Yassine Belkabir, fondateur et gérant de African Bureau of Mining Consultants

Phone : +212 (0) 520 312 808 

Mail : Contact@abminingconsultants.com

Site internet : www.abminingconsultants.com

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