Ce texte, dédié à la mémoire de Feu Moulay Ahmed Iraqi, propose une réflexion sur les limites des modèles classiques d’ouverture économique et explore les fondements d’une alternative marocaine, portée par des valeurs de souveraineté, de solidarité et de justice sociale. À travers une analyse critique des référentiels dominants, un éclairage sur la vision royale et un focus sur le secteur de la santé, l’article esquisse les contours d’un modèle d’ouverture ancré dans les réalités régionales et les aspirations collectives du Royaume.

1. Introduction : En mémoire de Moulay Ahmed Iraqi

Le 5 octobre 2018, Moulay Ahmed Iraqi nous quittait. Médecin de santé publique, il aura été un esprit critique, rigoureux et visionnaire. Son engagement en faveur de la justice sociale, sa lucidité sur les limites des paradigmes internationaux, et sa foi en un projet de société marocain émancipé, en ont fait un référent moral pour toute une génération. Le présent article lui est dédié.

 Professeur Iraqi est né en 1949 à Fès et décédé le 24 janvier 2018 à Casablanca. Sa pensée et son action ont inspiré des générations de médecins, militants et syndicalistes.
Quelques jours avant son décès, Feu Moulay Ahmed Iraqi nous expliquait :
– Tout d’abord, le diagnostic se résume par une « normalisation paranormale d’un état marqué par l’accumulation simultanée des déficits globaux planète et de la majoration des disparités d’accès aux biens et services communs de base ».
– Quant à la conduite à tenir, My Ahmed Iraqi recommande « d’exercer la liberté en tant que cadrage pour assumer la responsabilité nécessairement commune et différenciée des choix entrepris ».
– Et au final, la méthode consiste à « faire appel dans le cadre d’un projet de société réaliste et réalisable à un partenariat équitable ».

Feu Moulay Ahmed Iraqi était professeur, médecin, penseur, homme politique et militant. Il a occupé plusieurs hautes fonctions d’État, notamment celles de Secrétaire d’État à l’Environnement dans le gouvernement d’Alternance de Abderrahman El Youssoufi au Maroc (1998-2000), de président du Comité arabe des Nations unies pour l’environnement (1998-1999) et de président de l’Association marocaine des études et recherches sur les changements climatiques. Il a publié plusieurs ouvrages scientifiques dans les domaines de la santé, de la pédagogie, du système d’enseignement, de la santé publique, de l’environnement et des sciences humaines.

2. Les modèles d’ouverture hérités du XXème siècle : critique d’un référentiel dominant

L’ouverture internationale est traditionnellement appréciée au regard de critères issus des institutions de Bretton Woods : taux d’intégration commerciale, liberté de change, attractivité des IDE, notation des agences de risque, etc. Ces indicateurs, prétendument neutres, s’inscrivent pourtant dans une logique où l’économie prime sur le social, la stabilité macroéconomique sur la souveraineté des choix.

Le modèle américain en particulier, dominant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, repose sur le rôle central du dollar, la déréglementation des marchés financiers, et l’influence des agences de notation. Il s’accompagne souvent d’une tendance à faire de la croissance un objectif en soi, déconnecté des réalités sociales et culturelles.

3. Le Maroc et l’émergence d’un modèle alternatif d’ouverture

Face à ces référentiels, le Maroc propose une voie propre, fondée sur une vision stratégique incarnée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Dans plusieurs discours, le Souverain a appelé à une redéfinition du partenariat international, plaçant la solidarité, la co-responsabilité et la souveraineté au cœur des priorités.

« L’Afrique n’a pas besoin d’aide, elle a besoin de partenariats équitables et d’investissements porteurs de développement partagé » (Discours de Sa Majesté, 2016).

Ce positionnement marocain repose sur :

  • Une stratégie sud-sud volontariste (Afrique, monde arabe)
  • Une diplomatie économique intégrée (OCP Africa, banques, BTP)
  • Une promotion de la convergence des modèles de gouvernance (via la coopération religieuse, culturelle, universitaire)

Il s’agit moins d’une rupture brutale avec l’ordre mondial que d’une tentative de réinvention, à partir de valeurs marocaines, d’une politique d’ouverture ancrée dans la région et ouverte sur le monde.

4. L’exemple du secteur de la santé : entre objectifs sociaux et contraintes financières

Le secteur de la santé au Maroc illustre la tension entre les aspirations à une couverture universelle et les injonctions à la rationalisation budgétaire. La santé publique est souvent perçue à travers le prisme de la performance économique, alors qu’elle relève d’une fonction régalienne et d’une exigence de justice sociale.

En 2017, l’Etat marocain consacrait environ 1,7% du PIB à la santé, contre 6% recommandés par l’OMS. Dans le même temps, la montée en charge du programme RAMED a révélé les limites du financement public et l’émergence de pratiques de privatisation indirecte. La loi 13-101 sur le PPP dans la santé pose question : peut-on garantir un accès équitable aux soins quand le secteur privé devient acteur dominant dans la gestion hospitalière ?

Les institutions internationales, dont le FMI, appellent à cibler les dépenses sociales sur les plus pauvres. Mais une telle approche peut conduire à une segmentation des droits et à un affaiblissement du lien social. Le modèle marocain de développement doit chercher un équilibre entre efficacité, équité et solidarité.

5. Le modèle chinois : une référence asymétrique

La Chine propose un modèle d’ouverture contrôlée, basé sur la planification, l’investissement productif et la maîtrise des outils stratégiques (monnaie, infrastructure, énergie). Ce modèle n’est ni transposable tel quel, ni exempt de critiques, mais il offre un contrepoint utile au consensus de Washington.

Dans le cadre de sa stratégie à l’horizon 2050, la Chine a massivement investi dans l’éducation, la recherche, la réduction de la pauvreté et l’industrialisation. Le Maroc pourrait s’en inspirer pour affirmer un modèle hybride, mêlant souveraineté, ambition et ouverture sélective.

6. Conclusion : pour une ouverture fondée sur la confiance et la justice

L’ouverture du Maroc ne peut se réduire à des indicateurs financiers ou commerciaux. Elle doit reposer sur une vision politique de long terme, ancrée dans l’histoire du pays, sa vocation médiatrice, et son ambition continentale.

Cela suppose de former une nouvelle génération de décideurs, conscients des enjeux globaux mais fidèles aux valeurs de solidarité, de justice et d’intégrité. C’est à cette condition que le Maroc pourra pleinement réaliser sa vocation de passerelle entre les mondes, et bâtir des partenariats fondés sur la confiance, la co-responsabilité et le respect mutuel.

Par Yassine Belkabir, fondateur et gérant de African Bureau of Mining Consultants

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Site internet : www.abminingconsultants.com

  

 

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